Cyclisme artistique : quand la gymnastique rencontre le vélo

La cycliste allemande Viola Brand aux championnats du monde - Source : Wikimedia
Le cyclisme, ce n'est pas que le Tour de France ou le BMX. Il existe aussi des disciplines plus discrètes mais spectaculaires comme le cyclisme artistique.
Spectaculaire et technique, le cyclisme artistique est un savant mélange entre gymnastique et vélo. Né en Allemagne à la fin du 19e siècle, il a gagné ses lettres de noblesse en devenant, avec le cycle balle, une discipline reconnue par l’Union Cycliste Internationale (UCI) au sein du cyclisme en salle.
En France, ces deux disciplines restent encore assez méconnues, avec à peine plus de 200 licenciés à l’échelle nationale. Nous avons rencontré Laurence Pflumio, présidente de la commission nationale de cyclisme en salle et présidente du club de Weyersheim. Découvrons ensemble cette discipline pas comme les autres.
Le cyclisme artistique, c’est quoi ?
“Le cyclisme artistique consiste à réaliser des exercices de gymnastique et des sauts sur un vélo dans un temps donné,” nous explique Laurence Pflumio. Ces exercices sont réalisés sur des vélos spéciaux à pignon fixe et se déroulent dans un format similaire à celui de la gymnastique.
Chaque performance est évaluée par un jury de juges au cours de rounds de cinq minutes. La compétition peut être individuelle, en duo, ou se faire par équipes de quatre selon les règles de l’Union Cycliste Internationale.
Un sport pratiqué en salle
Ce sport spectaculaire se pratique en intérieur, sur un terrain de 11 mètres par 14. “Cela peut être dans des gymnases, des salles polyvalentes, des salles de fête, voire une grande patinoire en championnat du monde,” précise la présidente. En plus des championnats nationaux, la discipline est également représentée au niveau européen et mondial.
Avec un peu plus de 200 licenciés en France, le cyclisme artistique est encore considéré comme un sport de niche. Pourtant, il bénéficie d’un solide ancrage dans le Bas-Rhin, où plus de la moitié des licenciés sont basés. Surtout, le département alsacien produit de grands champions à l’image d’Alice Rieb, 6 fois championne de France de cyclisme artistique et qui s’est classée 10e cet été au championnat du monde de Glasgow.
Dans son club de Geispolsheim, la championne côtoie Maxime Schaal, champion de France élite et arrivé 12e en Écosse. Au VCE Dorlisheim, Alexane Leclerc, dauphine nationale d’Alice Rieb, a décroché la 9e place du championnat du monde.
Quel vélo pour pratiquer le cyclisme artistique ?
L’équipement est particulièrement important en cyclisme artistique, et tout commence par le choix du vélo. On utilise ici des vélos à pignon fixe. “On pédale en avant, ça roule en avant. On pédale en arrière, on va en arrière“, résume très simplement Laurence Pflumio.
La chaîne et le pignon sont calibrés presque à un rapport de un pour un. Les roues sont de taille égale et rapprochées pour faciliter certaines figures comme les wheelies. “Le guidon est incurvé” précise Laurence, à l’inverse d’un vélo de course, et peut tourner à 360 degrés. Le reste est assez simple : “il n’y a pas de frein, ni de porte bagage même si on prend un deuxième sportif sur le vélo en duo” dit-elle en riant.
Par contre, ne cherchez pas ces vélos dans le commerce. “Ils sont fabriqués sur mesure et en petite série,” explique la spécialiste, notamment pour adapter la taille du cadre (en alu ou en acier) en fonction du sportif. Les clubs font généralement le choix d’une marque. Si l’ASC Weyersheim se fournit chez Walther à Offenbourg (Allemagne), d’autres font appel à Langenberg (Allemagne) ou à Star Bicycle (Suisse).

Vélo artistique de Star Bicycle
Et niveau budget ? “Un vélo pour le cyclisme artistique coûte environ 2 500 euros” selon Laurence Pflumio.
Une discipline née en Allemagne à la fin du 19e siècle
Le cyclisme artistique trouve ses origines en Allemagne en 1888. À cette époque, l’acrobate et cycliste germano-américain Nicholas Edward Kaufmann commence à intégrer des figures acrobatiques à ses démonstrations de cyclisme, jetant ainsi les bases de ce qui deviendra le cyclisme artistique.
La discipline se développe ensuite en Allemagne, en Suisse et en Autriche. L’Alsace, alors allemande, voit naître ses premiers clubs. Celui de Weyersheim, que Laurence Pflumio préside, a démarré fin des années 1920.

Images d’archive du cyclisme artistique en Alsace dans les années 1930
La discipline prend vraiment son essor avec la tenue des premiers championnats du monde officiels pour les hommes en 1956 et pour les femmes en 1970. Cet événement marque une étape importante dans la reconnaissance de la discipline à l’échelle internationale, sans toutefois accéder au prestigieux statut olympique.
Un développement en dehors de l’Europe
“Le cyclisme artistique n’est pas développé sur tous les continents,” nous explique Laurence Pflumio. Bien que les pays germanophones continuent de dominer les compétitions, des efforts sont déployés pour étendre la popularité de la discipline.
L’un des principaux acteurs de cette expansion est l’Indoor Cycling World Wide. “L’association cherche à développer la pratique du vélo en salle, notamment en marge des championnats du monde,” ajoute la présidente. C’est ainsi que la pratique du cyclisme en salle s’est développée en Asie. “Dans les années 1980, on n’entendait pas parler des athlètes asiatiques. Aujourd’hui, ils visent les podiums,” analyse-t-elle.
Comment se lancer dans le cyclisme artistique ?
Comme pour beaucoup de sports, la découverte du cyclisme artistique se fait souvent dans le cercle familial, amical ou via le bouche-à-oreille. “Mes parents étaient dans le club de Weyersheim. Mon père a été champion de France FSCF fin des années 1940,” nous confie Laurence Pflumio pour expliquer sa venue dans la discipline.
L’aspect spectaculaire joue également un grand rôle dans le recrutement de nouveaux licenciés. “Les derniers jeunes qui nous ont rejoint au club, c’était suite à l’opération “Sors ton vélo” organisée par des parents d’élèves et lors de laquelle nous avions fait une démonstration,” ajoute Laurence Pflumio.
De la souplesse et de la persévérance
La discipline reste relativement ouverte et accessible à tous. “En premier lieu, il faut savoir rouler sur un vélo normal,” explique la présidente du club. “Ensuite, il faut de la souplesse,” poursuit-elle, une qualité essentielle pour exécuter les figures.
“Le cyclisme artistique est un sport individuel. On doit constamment chercher à améliorer ses compétences personnelles,” souligne Laurence Pflumio. Le mental joue ainsi un rôle essentiel pour progresser, notamment la confiance en soi et la persévérance.
Cela est d’autant plus vrai chez les plus jeunes. “Les évolutions se font par palier chez les petits, ce qui peut être frustrant car l’apprentissage de nouveaux exercices prend du temps“. Le cyclisme artistique demande donc une grande résilience et la capacité à surmonter des échecs et des chutes.
Mais le résultat en vaut la peine tant la discipline est belle et peut ouvrir des portes. L’Alsacienne Alexane Leclerc vient en effet de rejoindre la prestigieuse troupe du Cirque du Soleil comme l’avait fait avant elle le cycliste Ivan Do-Duc. Saura-t-elle donner envie aux jeunes spectateurs de grimper sur un vélo pour y faire des acrobaties ? Le cyclisme artistique mérite en tout cas d’être connu et pratiqué.