La vélorue, ou rue cyclable : quand les vélos prennent la place des voitures

Ce marquage au sol pourrait presque passer inaperçu, et pourtant, il indique un concept encore méconnu : la présence d'une vélorue.

Dans certaines rues de Strasbourg, les vélos dessinés avec leurs deux chevrons ne sont pas qu’une simple indication : ils annoncent une vélorue, une rue où les cyclistes ont la priorité. Ce concept, bien développé aux Pays-Bas, en Belgique ou en Allemagne, n’en n’est qu’à ses débuts en France.

Expérimenté pour la première fois à Strasbourg en 2017 et déployé depuis dans d’autres villes comme Bordeaux ou Dijon, il reste encore méconnu du grand public et sujet à diverses interprétations. Alors qu’est-ce qu’une vélorue ? Quelles sont les règles à suivre et quels bénéfices peut-on en attendre ?

Vélorue, un concept né en Allemagne et expérimenté à Strasbourg

En mai 2017, Roland Ries, maire de Strasbourg à l’époque, annonçait fièrement sur Facebook : “Aujourd’hui, Strasbourg, 1ère ville cyclable de France, se démarque une nouvelle fois en inaugurant la première “Vélorue” de France, dans la rue de la Division Leclerc.”

Inauguration de la vélorue de Strasbourg par Roland Ries

Né dans les années 80 en Allemagne et adopté par plusieurs nations européennes comme le Danemark ou les Pays-Bas, le concept de vélorue est arrivé en France en 2017 à la faveur d’une évolution du code de la route deux ans auparavant.

“Les cyclistes peuvent s’éloigner du bord droit de la chaussée lorsqu’une signalisation spécifique matérialise une trajectoire différente.” Article R412-9 du Code de la route, modifié en 2015

Au-delà du centre-ville strasbourgeois, d’autres rues ont par la suite été transformées en vélorue, à l’image du boulevard de la victoire dans le quartier universitaire, très fréquenté par les piétons et où la largeur de la chaussée ne permet pas le dépassement des vélos de façon sécuritaire. Bordeaux, Dijon ou encore Paris ont depuis emboîté le pas de la capitale alsacienne en expérimentant à leur tour (et à leur sauce) le concept.

Vélorue à Paris, rue de Charenton – Photo Mairie de Paris

Vélorue, une rue qui donne la priorité aux vélos

La vélorue, ou rue cyclable, est une réponse innovante aux besoins croissants de mobilité douce en milieu urbain. “Concrètement, dans certaines rues à faible trafic voitures et/ou étroites et dans lesquelles la circulation des vélos est importante, le cycliste, guidé par des chevrons et des logos vélo apposés sur le sol, pourra circuler au centre de la rue, la voiture restant derrière lui“, indiquait alors le maire de Strasbourg à l’origine de l’expérimentation.

À contrario des pistes cyclables strictement réservées aux vélos ou des voies de circulation où les cyclistes doivent serrer à droite, les vélorues sont donc des espaces partagés entre les vélos et les autres véhicules mais où les cyclistes sont prioritaires. Les autres véhicules sont quant à eux autorisés à y circuler mais à une vitesse réduite et sans dépasser les vélos. Cette configuration vise à sécuriser les déplacements des cyclistes et à encourager l’usage du vélo en ville.

Une signalisation spécifique, à défaut d’une définition par le code de la route

Une vélorue est généralement indiquée par des panneaux de signalisation spécifiques et des marquages au sol, comme ceux observés à Strasbourg. Les chevrons pointant dans la direction de la circulation guident les cyclistes et rappellent aux conducteurs de véhicules motorisés la présence et la priorité des vélos. La vitesse y est souvent limitée à 20 ou 30 km/h pour les véhicules motorisés, réduisant ainsi les risques d’accidents.

En France, le cadre légal des vélorues n’est pas encore posé par le Code de la route. Les municipalités peuvent décider de leur mise en place en fonction de critères spécifiques, tels que la densité de circulation, la présence d’écoles ou de zones résidentielles, et la largeur des voies.

Schéma d’aménagement d’une vélorue selon le Cerema

L’intérêt et les avantages de la vélorue

Sécurité renforcée

L’intérêt premier de la vélorue est la sécurité des usagers les plus vulnérables : les cyclistes. En leur accordant la priorité, on réduit significativement le risque de collision avec les véhicules motorisés, souvent à l’origine d’accidents.

“Les cyclistes seront par conséquent protégés des dépassements par des véhicules sur cet axe. Ainsi sécurisés, ils n’empruntent plus les trottoirs utilisés par les seuls piétons,” expliquait ainsi Roland Ries. La limitation de vitesse imposée aux voitures contribue également à un environnement plus sûr pour tous.

Promotion du vélo en ville

Les vélorues encouragent l’utilisation du vélo comme moyen de transport urbain. Le maire de Strasbourg justifiait ainsi la démarche à l’époque : “Cette action s’inscrit dans notre volonté permanente d’innover pour faciliter la pratique du vélo, à l’image du double sens cyclable, du tourne-à-droite des cyclistes au feu rouge, du coffret mixte piétons/cyclistes qui ont été expérimentés à Strasbourg avant d’être généralisés au niveau national.”

En offrant un espace de circulation plus confortable et moins stressant, elles attirent de nouveaux cyclistes, y compris ceux qui pourraient être réticents à l’idée de partager la route avec des voitures.

Fluidité du trafic et réduction de la pollution

Bien que cela puisse sembler contre-intuitif, les vélorues peuvent améliorer la fluidité du trafic. En réduisant la vitesse des voitures, on diminue les phénomènes d’accélération et de freinage brusques, souvent responsables de la congestion.

De même, en décourageant l’utilisation de la voiture dans certaines zones et en favorisant le vélo, les vélorues participent à la diminution de la pollution atmosphérique et sonore. Cela contribue à améliorer la qualité de l’air et à créer un environnement urbain plus agréable.

Comment utiliser une vélorue ?

En tant que cycliste, si vous apercevez un marquage au sol ou un panneau indiquant la présence d’une vélorue, vous devez en principe rouler au centre de la voie, en roulant à votre allure normale. Vous risquez toutefois de subir quelques klaxons ou sentir la pression des voitures derrière vous car tous les usagers ne sont malheureusement pas encore familiarisés avec ce concept.

Soyez attentif aux panneaux spécifiques qui indiquent le début et la fin de la vélorue. Ils sont là pour vous informer et pour rappeler aux automobilistes les règles en vigueur. Et même si vous avez la priorité, n’oubliez pas de respecter les autres règles de circulation, comme les feux tricolores et les panneaux stop.

Pour les automobilistes, reconnaître que la vélorue est un espace partagé est essentiel.  Vous devez adapter votre vitesse à la limite indiquée, généralement 20 ou 30 km/h, pour la sécurité de tous. Surtout, ne dépassez pas les cyclistes dans une vélorue. Ils ont la priorité et doivent pouvoir utiliser toute la largeur de la voie sans être inquiétés.

Les limites de la vélorue : l’importance de la pédagogie

Malgré ses nombreux avantages, la vélorue fait face à des défis significatifs, notamment en termes de reconnaissance et de compréhension par le grand public. Lorsque l’on interroge des Strasbourgeois sur la signification du marquage au sol, très peu sont capables d’identifier qu’il s’agit d’une vélorue.

Cela rappelle d’autres dispositifs cyclables comme le cédez-le-passage cycliste au feu rouge ou du double-sens cyclable, qui sont malheureusement trop méconnus des usagers de la route et donc source de tensions.

Un panneau M12 sur un feu tricolore

Une signalétique claire, explicite et permanente est donc essentielle pour accompagner l’implantation des vélorues. À Strasbourg, les panneaux explicatifs ont depuis disparus rue de la division Leclerc. L’exemple à ne pas suivre ! De plus, elle doit également être accompagnée de campagnes de communication régulières (et pas seulement au lancement) pour éduquer et sensibiliser tous les usagers de la route à ce nouveau dispositif.

Enfin, il est impératif que les pouvoirs publics s’engagent à clarifier et à uniformiser les règlements relatifs aux vélorues dans le code de la route. Une réglementation cohérente et uniforme à travers le territoire, alignée avec les standards internationaux établis par la Convention de Genève, garantirait une meilleure lisibilité et une application efficace de ces espaces dédiés aux cyclistes.